LE MUSEE DES ANTIQUITES DE PALMYRE :

UNE ENQUÊTE

LES FAITS

Redécouverte au XVIIe siècle, la cité de Palmyre constituait autrefois une importante étape sur la route caravanière qui reliait la Méditerranée aux mondes indien et chinois. A l’époque romaine (la Syrie ayant été annexée par Pompée en 64 av. JC), la cité prospère grâce à son activité commerciale. En raison de sa situation géographique, qui en fait un trait d’union entre l’empire romain et l’empire Parthe (actuel Iran), elle tient lieu de véritable « port du désert », tout en conservant une relative indépendance vis-à-vis de l’administration romaine.

Epices, soies et pierreries en provenance de l’Extrême-Orient circulent ainsi durablement à Palmyre. Tandis que la cité s’embellit, les familles aristocrates locales s’enrichissent. Elles acquièrent un goût du luxe et de l’exotisme prononcés, tout en adoptant un mode de vie proche de celui qui se pratique alors à Rome. L’art palmyrénien évolue de manière concomitante. Tout en conservant ses caractéristiques propres, il présente un syncrétisme croissant entre l’art romain et l’art local.

Considéré comme un véritable bijou, le musée des antiquités de Palmyre exposait un grand nombre de ces superbes artefacts antiques, témoins de l’extrême habileté des artisans palmyréniens. Il était possible d’y admirer de fines sculptures en pierre, des statues et bustes de personnalités palmyréniennes, des lampes à huile et autres mosaïques. La majeure partie de ces objets provient des tombes des grandes familles palmyréniennes, la cité étant reconnue pour la qualité de son art funéraire.

Entrés dans la ville de Palmyre au mois de mai 2015, les combattants de Daesh ont progressivement procédé à la destruction de son musée. Si un grand nombre d’œuvres avait pu être préalablement mis en sûreté par les membres de la DGAM (Direction Générale des Antiquités et des Musées syrienne), certaines pièces, telles que des sarcophages en haut relief romano-byzantins pesant trois à quatre tonnes, étaient trop lourdes pour être déplacées.

LA METHODOLOGIE

À la suite de la reprise de Palmyre par l’armée syrienne, l’intervention de l’équipe d’Iconem sur les lieux a été requise à la demande la DGAM aussi rapidement que possible. La procédure requerrait en effet que le musée soit entièrement déblayé dans un délai de trois jours afin de mettre les œuvres en sécurité.
Or, l’état exceptionnel du musée des antiquités de Palmyre, ravagé, nécessitait d’être documenté car possédant une valeur archéologique inestimable. Les documents produits par notre équipe feront à l’avenir l’objet d’un travail scientifique d’interprétation afin de tenter de reconstituer le déroulement du drame historique qui s’est déroulé au sein du musée.

Sur le terrain, l’équipe d’ICONEM a travaillé avec les archéologues et architectes de la DGAM. En mettant en application nos protocoles de prise de vue dans le musée, les deux équipes ont pu collecter un maximum de données en un temps limité.

Grâce à elles, un modèle 3D d’une partie des salles du musée a pu être produit. On peut y voir les fragments de certaines pièces du musée mélangés aux débris du faux plafond, qui s’est écroulé suite à une explosion. Une partie du sol et un pan de mur ont également été détruits par un tir de missile.

L’ensemble des documents produits constituera une base de données 3D, qui indiquera, pour tous les artefacts retrouvés sur place, leur emplacement initial dans le musée, l’endroit où ils ont été détruits et retrouvés, notamment. Ces informations permettront de repositionner ces objets à leur emplacement d’origine une fois restaurés et de documenter les destructions perpétrées sur place.

LE LION DE PALMYRE RENAIT GRÂCE A SA NUMERISATION.

Pièce maitresse du musée de Palmyre, le « Lion du temple d’Al-Lât » ou « Lion d’Athéna » a été détruit à la pelle mécanique par les combattants de Daesh. La sculpture, haute de 3,5m et pesant quinze tonnes, placée à l’entrée du musée de Palmyre, n’a pas pu être mise en lieu sûr avant la prise du site par l’Etat islamique en raison de ses dimensions.

Découvert en 1977, et datant du Ier siècle apr. JC, le Lion occupait autrefois le cœur du temple d’Al-Lât, déesse de la fécondité et de la féminité, protectrice des animaux sauvages. Il était figuré tenant un oryx entre ses pattes.

Grâce à la numérisation d’une réplique conservée au musée de Damas permettant de documenter l’état initial de la sculpture, ICONEM a pris en charge sa sauvegarde numérique. Notre équipe a procédé à la numérisation du Lion de Palmyre tel que détruit par les terroristes de Daesh et en a réalisé un modèle 3D. La comparaison des deux modèles permettra aux scientifiques d’étudier les dommages subis par la sculpture et de procéder à des restaurations, qui doivent prochainement être entreprises par les chercheurs œuvrant au musée de Damas.

Dans le cadre d’une seconde mission en Syrie au mois de juillet 2016, notre équipe a assisté au transport de la sculpture de Palmyre à Damas, sous la direction de la DGAM. Le transfert rapide de cette pièce maitresse de l’art palmyrénien était en effet essentiel, dans la mesure où la région de Palmyre n’est pas considérée comme étant entièrement sécurisée. L’opération s’est révélée complexe en raison des dimensions du Lion et du manque de moyens à disposition. Après de nombreuses heures de route sur un chemin peu praticable, il a été nécessaire de changer l’une des roues du camion ayant crevé sous le poids de son chargement. L’entreprise a toutefois été couronnée de succès : le Lion se trouve aujourd’hui à Damas, en attente d’une restauration.